Sommaire :
1) Le contexte :
- 1.1 : La ligne ;
- 1.2 : La desserte ;
- 1.3 : Pourquoi cette fermeture ?
- 1.4 : Solutions apportées ;
- 1.5 : Informations complémentaires ;
- 1.6 : Pièces jointes.
2) Le récit :
- 2.1 : Récit d’une fermeture ;
- 2.2 : Vidéo en cabine.
1) Le contexte :
1.1 : La ligne :
La ligne d’Harfleur aux Ifs via Rolleville fait partie intégrante de la relation du Havre à Fécamp et Étretat par le tracé ferroviaire le plus court. Elle est ouverte en trois sections de 1878 à 1896, d’abord entre Harfleur et Montivilliers, puis jusqu’à Rolleville avant d’être reliée aux Ifs, d’où elle rejoindra les lignes de Bréauté-Beuzeville à Fécamp et des Ifs à Étretat. Très vite, la ligne est empruntée par de nombreux ouvriers au départ de Fécamp et principalement Rolleville pour se rendre au Havre, ce qui lui vaudra le surnom local de « trains des ouvriers » attribué au milieu des années 60. Il faut également faire état de quelques convois de
marchandises qui empruntent régulièrement la totalité de la ligne. Malgré cela, la section comprise entre Rolleville et les Ifs est fermée aux voyageurs en 1970. Une baisse constante de la fréquentation sur la partie restante sera observée jusqu’en 2001, date à laquelle est créé un service périurbain cadencé, composé d’un train toutes les 30 min par sens en heure de pointe. Le service s’étend jusqu’à Montivilliers, en plus de la desserte de Rolleville. Un renouvellement et une modernisation partielle de la voie sont entrepris pour un coût d’1,4 millions d’euros sur une distance de 4 km , avec la pose de 2000 tonnes de ballast et 3700 traverses. À cela s’ajoute aussi un autre chantier : l’allongement d’environ 30 mètres du quai de la halte de Montivilliers afin de permettre la réception de rames X73500 en UM et AGC en US.
1.2 : La desserte :
Au dernier service de cette relation (voir la fiche horaire du dernier service d’été de la ligne, disponible en pièce jointe n°1), la desserte se compose de :
–> 20 A/R du Havre à Montivilliers, du lundi au samedi ;
–> 2 A/R du Havre à Montivilliers, le dimanche ;
–> 5 A/R du Havre à Rolleville, du lundi au samedi ;
–> 3 A/R du Havre à Rolleville, le Dimanche.
Légendes et sources des photos
Citation de Valentin Lammouchi : conducteur de train chez SNCF Voyageurs
J’ai assuré, avec une certaine émotion, hier soir le dernier Rolleville de ma carrière. En effet, Édouard Philippe a eu raison de la ligne le Havre-Montivilliers-Rolleville » la lézard’express « . Une voie unique cadencée toutes les 30 minutes toute la semaine, qui circulait même les dimanches et les jours fériés. Des trains rarement en retard/rarement supprimés et des clients satisfaits de l’offre.
Ces derniers seront les perdants : le projet d’extension du tramway du Havre d’Edouard Philippe n’ira pour le moment pas jusqu’à Montivilliers suite à un manque de budget. Les villes d’Épouville et Rolleville sont elles, définitivement déconnectées du réseau. Les riverains n’auront donc ni train, ni tramway, un bus en remplacement qui mettra un temps fou à se rendre au Havre dans les bouchons bien connus des heures de pointe. Quand on vous dit que la politique française DÉTESTE le ferroviaire ! »
Légendes et sources des photos
Selon se reportage et ce message d’un mécanicien local, l’offre semble correspondre aux passagers. En effet, selon cet article : (https://www.tendanceouest.com/actualite-419028-montivilliers-travaux-du-tramway-la-ler-sera-remplacee-par-des-bus-a-la-rentree) pas moins de 2000 voyageurs prennent la LER chaque jour. Les usagers apprécient aussi ce service pour le confort des X73500 et rares AGC, mais aussi pour la rapidité de ces derniers. En effet, 14 min sont nécessaires pour effectuer le parcours jusqu’à Montivilliers et 10 min de plus pour poursuivre vers Rolleville. De plus, la desserte est même compatible avec une offre touristique comme en témoignent les pièces jointes n°2 et 3 ainsi que cette vidéo.
1.3 : Pourquoi cette fermeture ?
Depuis quelques années, un projet d’extension du tramway de la métropole locale est en cours d’études. Il s’agit de la création d’une nouvelle ligne de tramway baptisée « ligne C ». Elle reliera « Vallée Béreult » à Montivilliers d’ici 2027 par un tracé comportant pas moins de 17 nouvelles stations. Le tracé choisi passera par la gare principale et Harfleur en longeant la ligne de chemin de fer, puis prendra la direction de Montivilliers en reprenant les emprises de la dite section entre Harfleur et Montivilliers, le tout sur une distance de 14 km et un temps de parcours estimé à 30 min. La création de cette nouvelle ligne doit permettre d’augmenter le cadencement et la capacité de transport. Le coût du projet est estimé à 344 millions d’euros hors taxes. Des études sont en cours, de même qu’une enquête publique. Le début des travaux est prévu en 2025 pour une mise en service deux ans plus tard. Le reste de la ligne, alors inutilisée, entre Montivilliers et Rolleville, voir au-delà pourrait devenir une voie verte.
1.4 : Solutions apportées :
Sur la période comprise entre la fermeture définitive de la ligne ferroviaire et la mise en service de la nouvelle ligne de tramway, la mise en place de 3 lignes de bus cadencées est prévue. Il s’agira des lignes :
–> 11 : Le Havre <–> Montivilliers : environ 25 min ;
–> 11 Express : Le Havre <–> Montivilliers : moins de 25 min ;
–> 21 : Le Havre <–> Rolleville via Montivilliers et Épouville.
Ces trois lignes doivent permettre 3 départ à l’heure en direction du Havre. La ligne 21 devrait peut-être retrouver son origine à Montivilliers une fois le nouveau tramway inauguré.
1.5 : Informations complémentaires :
Voici un article sur ce projet, intéressant :
1.6 : Pièces jointes :
- P.J. 1 : La fiche horaire du dernier service :
- P.J. 2 et 3 : Affiches touristiques :
……………….. 4
2) Le récit :
2.1 : Récit d’une fermeture :
Version audio : ICI
Dimanche 1er septembre 2024 :
Il est 17H15 en cette belle journée, et c’est avec beaucoup d’avance sur mon programme initial que je viens de me stationner à proximité de la gare du Havre, la mort dans l’âme. Je connais parfaitement la raison de cet état, étant un passionné du rail, pour ne pas dire plus. Aujourd’hui, la pilule est un peu dure à avaler. Mais de quoi s’agit-t-il au juste ? Il s’agit tout simplement des dernières heures de la relation entre le Havre et Rolleville via Montivilliers, que l’on appelle la LER pour Lézard’Express Régional…
J’entre dans la gare du Havre qui me rappelle celle de Brest, avant de me diriger vers les bornes automatiques pour avoir la chance de pouvoir retirer un billet IATA. Ces derniers portent l’inscription des prochains A/R ayant pour terminus puis origine la gare de Montivilliers qui vient d’être ajoutée à mon programme avec l’équivalent déjà planifié pour Rolleville. La direction des quais est prise, sans penser à déambuler un seul instant. J’ai soif, soif de recherches. Après un repérage, je trouve ma cible sans m’aider de l’affichage, car encore trop tôt pour lui. Pour la cible, il s’agit précisément de l’X73553 placé sur la voie 3 qui va assurer le TER N°850238* à destination de Montivilliers. Je montre mon billet à la SUGE, alors en pleine opération coup de poing sur un train à destination de Paris Saint-Lazare. Ils sont étonnés de me voir aussi tôt, mais me croient sur parole et m’autorisent à accéder au quai concerné. Après une observation des écrans de départ et une rapide installation, je patiente en faisant quelques rapides prises de vues, alors que le train n’est toujours pas affiché. Le placement sélectionné est dans le sens contraire de la marche, dans un carré choisi à l’avance, un peu comme à l’accoutumée. L’affichage dévoile enfin la circulation et le mécano arrive peu de temps après. Je le salue et me présente tout en lui demandant s’il est possible de venir en cabine pour les derniers trains. Il me répond en me disant que c’est un contexte exceptionnel et nous fait comprendre que toute personne faisant la démarche pourrait entrer. Un jeune homme qui s’est récemment installé dans un carré voisin n’a pas perdu une miette de cet échange. Il fait la même démarche, avant d’être aussitôt dans ce petit espace tant convoité. On commence à échanger et je m’aperçois vite que lui aussi est un passionné. L’échange continue, 20 minutes passent. C’est bientôt l’heure du départ. Le train est rempli de nombreux habitués mais aussi de quelques voyageurs qui semblent être occasionnels, reconnaissables par la légère inquiétude qui pointe sur leur visage.
Les moteurs grondent, la petite machine discrète pour sa taille mais pas pour son bruit commence à avancer au milieu des grandes automotrices silencieuses qui garnissent les voies. Les aiguilles franchies, une légère accélération sera bien suffisante pour atteindre la gare du Havre – Graville, celle-ci n’étant d’ores et déjà plus très loin. Dans ce lieu bientôt fermé au public, quelques voyageurs habitués sont présents. Le voyage continue ! Harfleur Halte, Jacques Monod la Demi-Lieue… Au cours de ce voyage, il était possible d’apercevoir de nombreux photographes venus pour l’occasion, qui capturent tous ces moments, placés au bord de la voie. Prochain arrêt, Montivilliers.
Pendant le changement de sens, on sort afin de faire quelques photos pour ensuite rentrer de nouveau dans l’autre cabine. Les échanges s’enchaînent, mais pas qu’à l’oral, un nouveau numéro de sillon est lui aussi attribué, c’est celui du TER 850249*. Le retour est semblable à l’aller et passe aussi vite. Nous sommes donc déjà en gare du Havre, avec une arrivée sur la voie 5. On le sait tous dans un coin de notre esprit, le prochain sera le dernier, mais nous ne serons pas seuls…
Sur ce quai, un groupe de personnes est présent. Depuis notre arrivée, il ne cesse de prendre de l’ampleur. Il est composé de quelques habitués, de nombreux voyageurs du coin venu pour l’occasion et de la moitié des mécaniciens du dépôt local. Le nombre de personnes en cabine augmente sérieusement de même que l’ambiance, qui passe de plaisante à excellente. Ça rigole bien, peut être pour masquer la peine généralisée liée à cette fin d’exploitation… Une de plus, en effet ! Le nord reste cependant en vue avec la préparation de la nouvelle mission à assurer sous l’indicatif TER n°850264*. L’heure du départ approche, je pose mon téléphone au format 16:9, mais il ne tient pas. L’autre format, le 9:16 tient mieux mais ferme le champ de vision. N’ayant plus beaucoup de temps, je ne fais pas le difficile, ça tourne !
Dès le départ, le sifflet balance des décibels, chronique d’une fin de vie annoncée. On plaisante bien à bord, le sifflet vit sa vie et des petits groupes de personnes difficilement supérieurs à 5 montent à chaque arrêt, le cortège grandit. À Épouville, on passe le niveau supérieur. Les premiers pétards sont placés et le sifflet tombe malade devant un groupe d’une dizaine de personnes, bien supérieurs à ceux des arrêts précédents. Cette dernière remontée est bien remplie, du peu que j’ai pu voir, il y a autant d’ambiance en cabine que du côté des autres voyageurs. Qu’elle est bien remarquable cette arrivée Rolleville, des pétards sont de nouveau placés en parfaite concordance avec le sifflet qui chante la gorge sèche, tient bon ! Le convoi est attendu au milieu de ce qui est un joyeux bordel, lui donnant malgré tout un air triomphal.
Devant le buttoir, la machine respire : le flot de voyageurs se déverse, les cornes se reposent, bref, la magie opère désormais à l’extérieur. Les mécanos partent faire la pose avec le titulaire du jour devant leur machine, l’ensemble dominant un lieu encore bien marqué par une certaine identité ferroviaire. Ça mitraille tous azimuts, bien évidemment ! Qui sait, ces clichés deviendront peut-être emblématiques ! Ça parle beaucoup dans cette gare qui n’a pas dû voir une telle excitation depuis le passage de l’autorail Picasso il y a à peine plus de quelques heures. Manque de chance, ce sera la dernière. Pendant ce temps, je produis quelques documents d’archives avant de revenir sur le quai, plus précisément à l’avant de la machine ou déjà quelques idées pour un retour festif fusent : pétards, douce mélodie à deux notes, drapeaux rouges, torches, etc. Aussitôt dit, aussitôt fait ! Il ne faut pas attendre bien longtemps pour voir la mise en place des drapeaux rouges. Au milieu de tout cela, j’en m’apprêtais à faire une photo de l’équipement avant son départ, quand, soudainement, mon regard se perd sur une dame à l’air hagard. Elle regarde le train d’un regard implacable en proie à une vive émotion. Je blanchis sur place en la voyant ainsi, ne serait-ce qu’un court instant. Quelle est bien triste devant ce dernier convoi, les yeux d’une couleur chaude mais sombre à la fois surmontés d’une pellicule d’eau. Mais elle reste digne, et jusqu’au bout ! Pas une larme ne sera versée malgré son désarroi bien visible. L’image de ses mimiques reste à ce jour inoubliable. Quoi, pourquoi, comment peuvent-ils leur retirer leur train, leur lien, leur fierté à tous ces Français ? Et sans raison valable en plus ! L’incompréhension reste totale, mais il faut malheureusement se résoudre à décamper. La mort dans l’âme, un ultime numéro, celui du TER n°850255* est rentré. Les pétards et drapeaux rouges sont en place, les cornes distribuent désormais quelques fausses notes, d’ailleurs, la gangrène continue pour elles.
C’est parti pour le show, la bonne ambiance reprend tant bien que mal le dessus. En gare d’Épouville, les voyageurs montés au train précédent redescendent dans la fumée des récentes explosions accompagnées de leur déflagration qui seront reconduites dans la tranchée couverte de Montivilliers et à la halte d’Harfleur. De retour sur la grande ligne les torches sont de sorties. De passage devant le stade déversant un flux de supporters, le convoi ferrovaire musical avec des drapeaux flottants, pour ceux qui n’ont pas été arrachés par la végétation, et ses étranges fumigènes provoquent quelques réactions difficiles à qualifier à cette distance. Cerise sur le gâteau, j’apprends que la gare du Havre – Graville après le passage de ce dernier convoi ne verra désormais qu’une liste moins importante de trains, tous sans arrêt, dernière insulte à sa gloire passée. Les torches brûlent encore à l’arrivée dans la grande gare. De quoi forcer l’arrêt au début du quai et laisser suffisamment de temps aux photographes pour faire quelques photos d’ambiance de ce cortège. Les torches s’éteignent, les derniers tours de roues ont lieu.
Les gens descendent et repartent sans trop attendre, le mécano et sa machine repartent avec discrétion, c’est la fin d’une époque. L’échange avec le jeune passionné se poursuivra jusqu’au parking avant que nos chemins se séparent. Je prends la route de Nantes, la mort dans l’âme, mais ce n’est pas la plus forte émotion. En effet, un nombre incalculable de souvenirs heureux et inoubliables sont désormais ancrés, et pour un long moment !