Le rail en région PACA : une privatisation très politique

La région PACA a annoncé en septembre dernier qu’elle allait proposer à la signature des élus un contrat d’affermage de 10 ans, de trains régionaux auprès de l’opérateur privé, Transdev. Derrière cette annonce, se cachent de multiples considérations politiques qu’il peut être intéressant de décrypter.

Train Alstom pour Transdev.
Source : https://www.alstom.com/fr/press-releases-news/2021/12/alstom-fournira-transdev-les-trains-et-le-support-la-maintenance-de-la

M. Renaud Muselier, président LR de la région PACA, était fier d’annoncer début septembre que ce contrat en préparation avec la société Transdev, filiale de la caisse des dépôts et de Veolia, proposé à la signature puis signé depuis, allait se traduire par un doublement de la fréquence des trains sur la ligne Marseille-Nice, sans augmentation de coût pour la région et pour l’usager. Pour un montant de quelques 870 millions d’euros, on passerait de 7 aller-retours à 14 aller-retours quotidiens. Le conditionnel est de rigueur, car cet itinéraire est assez chargé en certains points du réseau, voire quasi saturé à certaines heures (ex. gare de Marseille), et il est sensible à de nombreux aléas tels qu’incendies, chutes de pierres, glissement de terrains, etc. Ces derniers ne seront pas du ressort de l’opérateur privé mais de l’entité réseau de la SNCF (INFRA) chargée de l’entretien des voies. Il faudra aussi trouver des créneaux sur l’axe principal entre Marseille et Nice. Ce doublement de fréquence mis en avant par la région PACA ne se fera donc pas sans difficultés. Je pressens, sans être grand visionnaire, quelques retards et suppressions de trains assez réguliers sur cette ligne. On verra ce qu’il en est, surtout en regard des critiques incessantes que faisait depuis des années M. Renaud Muselier à la SNCF. Cette dernière avait sans doute une part de responsabilités dans les retards existants, et dans l’exploitation de la ligne, mais comment ne pas y voir, aussi et surtout, la conséquence de choix politiques qui, depuis des années, appliquent à la société nationale (et au delà à nombre de services publics) des critères et une grille de lecture issus du monde l’entreprise à vocation lucrative.

Les problèmes d’exploitation de la gare de Marseille St Charles. Ceux-ci devraient être en partie résolus par la création d’une déviation de lignes et d’un gare souterraine
Source : https://www.20minutes.fr/societe/2600703-20190910-marseille-voies-souterraines-reorganisation-nouvelles-voies-projet-gare-saint-charles-devoile

Les grands perdants de l’histoire seront les cheminots SNCF dont certains seront automatiquement transférés vers Transdev, avec un risque élevé de perte de leur statut social. Ceci entraîne pour eux une réduction des primes, des montants de frais de repas du midi et du soir, et induisent un risque de licenciement sec en cas de réduction du trafic ou de difficulté financières de l’opérateur. Il est vrai que vu des présidences de régions, ou du monde politique en général, les aspects sociaux de l’opération ne comptent que très peu, voire pas du tout. C’est particulièrement vrai pour le monde ferroviaire : depuis 30 ans, la haine des cheminots (des nantis sans doute !) s’est en effet révélée être un marqueur constant de la plupart des politiques, relayés par bon nombre d’organes de presse…

La SNCF doit mener des travaux dans le tunnel de Braus sur la ligne Nice Breil. Ils dureront environ un an et ne seront pas réalisés avant 2024 (Photo Jean-François Ottonello)
Source : https://www.nicematin.com/transports/train-la-ligne-nice-breil-fermee-deux-ans-pour-travaux-716956

D’autres lignes de la région resteront néanmoins du ressort de la SNCF, seul opérateur ayant postulé pour les liaisons jusqu’à Vintimille, et sur les itinéraires Les Arcs-Draguignan, Nice-Tende et Cannes-Grasse. Pour ceux qui ont la connaissance du réseau, il est évident que ces liaisons SNCF sont les moins rentables de la région PACA. L’opérateur public pourrait même essuyer des pertes sur ces secteurs. La ligne Marseille-Nice, représente, quant à elle, un peu plus de 10 % des distances kilométriques, mais presque 35 % des revenus du réseau ferré local. Elle est rentable. On vérifie donc, dans cette privatisation rampante, le bien connu motto « privatisation des bénéfices, mutualisation des pertes » ! Ceci posé, le transfert vers une société privé de l’exploitation de la ligne la plus rentable permet aux élus de la région PACA d’éviter de se ridiculiser. Ceux-ci critiquent en effet la SNCF depuis des lustres. Qu’aurait-on pensé du sérieux de ces critiques si l’exploitation de l’artère Marseille-Nice avait été de nouveau confiée à la SNCF ?  Il est donc fort probable que l’attribution de l’exploitation à Transdev soit, pour la région PACA, une façon de justifier a posteriori ces critiques. On est bien loin de l’intérêt de l’usager qui pourrait se retrouver, comme cela se voit dans la région de Melun, ou de Montmorency, confronté à des fermetures totales de lignes Transdev, suite à des mouvements sociaux liés à la politique assez peu sociale menée par cette entreprise, vis à vis de ses employés. A suivre donc.

9 réponses sur “Le rail en région PACA : une privatisation très politique”

  1. Bonjour
    Je connais la Gare de Marseille St Charles
    (Un de mes frère habite Marseille).
    C’est vrai que le Cisaillement entre Les Flux Lyon _ Rhône
    & les flux Nice _ Méditerranée & Ceux d’Aix en Prov _ Alpes
    Sont un handicap pour cette grande Gare en Cul-Sac pose de Gros problèmes. Personnellement je pense que certain train Paris-Nice pourrait marquer un arrêt à Marseille Blancarde via le Raccordement des Chartreux avec possibilité comme à Tours
    d’une navette? Le Tramway dessert aussi cette gare (Annexe) il faudrait créer 2 saute-moutons (Mais c’est cher).Maintenant si le tgv Med se réalise cela soulagera la gare de St Charles .
    Ce n’est que quelque idée laissons faire les Ingénieurs

  2. Le nouveau statut de la SNCF ressemble étrangement à celui de LA POSTE né de la réforme QUILES (démantèlement des PTT ) qui a transformé LA POSTE et les TELECOMS en 2 sociétés anonymes entrainant la fermeture de nombreux bureaux et en transformation en Agences Postales Communales … ou Relais de Postes chez le commerçants … entrainant la suppression de nombreux emplois .
    Les nouveaux emplois étant des salariés de droit privé … entrainant une baisse non négligeable de la masse salariale … Sans compter la destruction des services sociaux ( villages vacances ,Comités des Œuvres Sociales etc …)

  3. Un article qui montre malheureusement bien la vérité des choses concernant l’arrivée de la concurrence en PACA. On remarque un mensonge constant envers les usagers par les politiques et les médias sur le fait que la concurrence sera la solution à tout (alors que ça ne va rien changer par rapport à la SNCF mis à part le nom). On verra bien comment se déroulera cette ouverture à la concurrence même si j’ai ma petite idée sur la question, RDV en 2025 quand tout sera en place…

  4. analyse pertinente ! concernant Marseille-Nice ce n’est sans doute pas un hasard si l’état en a fait sa priorité dans le développement de l’ertms, il faut, quoi qu’il en coute, augmenter le nombre de sillons pour favoriser le prestataire et ensuite se targuer de la réussite du secteur privé, meilleur que le service public ! de la politique pure et tant pis pour les « dinosaures à statut » quant à l’usager il faudra surement des années pour voir les incidences sur ses déplacements quotidiens mais ce n’est pas le souci pour ceux dont le seul but est de distribuer l’argent public aux actionnaires de Veolia !!!

  5. Franck, je me permet de corriger un truc. Tu dis que si on est transféré dans une entreprise privée on conserve nos avantages pendant presque 2 ans. Je crois que c’est 15 ou 18 mois je ne sais plus, mais c’est pas là le truc. En fait même la dedans ils ont réussi à mettre une couille dans le potage. D’après ce que j’ai compris, ces « presque deux ans » ne sont valables que si l’entreprise dans laquelle tu arrives n’a pas de convention actée avec les employés et les OS. Si c’est le cas tu perds direct tout.

  6. Je travaille dans une Banque privée ; en École de management nous avons étudié dans des ateliers de simulation que plus nous formions, nous sécurisions, nous associons le personnel à la vie de la société plus celle-ci était efficiente ; Les technocrates sont pitoyables nombres d’exemples comme ceux précédents la SNCF montrent qu’en matière ferroviaire que le privé sur le transport voyageurs ne pouvait être rentable ; comment peuvent ils associer service public et rentabilité ; la rentabilité ne sert qu’aux actionnaires ; le public ne veut que des trains sûrs à prix raisonnables dans des durées de transport raisonnables – Si la SNCF va mal depuis 39 ans c’est que la France a élu des présidents dont le but étaient la destruction du cœur économique Français dont la SNCF fait partie, dont EDF…

  7. En tant que modérateur,
    Yves, m’a demandé mon avis quand à la publication de cet article. J’en prend donc la responsabilité, pour deux raisons :
    – Même si les sujets politiques peuvent-être source à polémique, on ne peut malheureusement pas complètement les dissocier du paysage ferroviaire modelé par les cheminots à travers  » leurs  » décisions.
    – C’est juste et malheureusement pire dans la réalité.

    Du point de vue du compagnons,
    Je me place ici en simple témoin, aux autres de juger,
    Quand je suis rentré à Sibelin, les anciens me disaient :
     » Fonctionnaires, ils nous appellent des fonctionnaires ! Non, nous sommes  » assimilé  » fonctionnaire. Tous les inconvénients sans les avantages. Quand nous sommes rentré personne ne voulais travailler au chemin de fer. Nous faisions 6/1 ( 6 jours de boulot/ 1 jour de repos ) et nous gagnions moins que dans le privée. Aujourd’hui ils nous jalousent  »
    Dans la réalité, si il y a transfert dans un opérateur privée on conserve nos avantages pendant presque deux ans. C’est à dire : statut ( pour ceux qui l’on, tous les nouveaux embauchés ne sont plus au statu ), déroulement de carrière ( 80e tous les 4 / 5 ans si on a de la chance ), et le train gratuit ( en dehors des résas, des couchettes et à condition de passer le barrage informatique ).
    En gros qu’est-ce qu’on a ? La sécurité de l’emploi, le statu donc.

    Seulement pourquoi avoir fait un statu ? Bien le jour ou un gars, qui à passé la majorité de sa carrière dans le ferroviaire, qui excelle dans son domaine, un professionnel accomplis, se retrouve au chômage, il perd tout. Alors pourquoi s’investirait-il dans son travail qui impose pourtant une rigueur amoureuse de son métier pour l’exercer en toute sécurité pour lui même mais aussi pour les usagers ?

    L’ouvrier, l’homme, a quand même besoin d’un minimum de reconnaissance. Un minimum d’assurance sur son avenir et celui de sa famille. Et là les filiales nous annonces des salaires  » glissants  » ! Les mois ou ça ne paye pas et ben elles ne payent pas, mais elles rattraperont plus tard. Ben voyons.

    Et quand on ferra respecter la sécurité face au danger, elles répondront par la porte. Et les accidents, comme le dernier en Allemagne, se multiplieront.

    Pour cet année 2021 la SNCF à enregistré plus de démissions que de départs en retraite.

    Les politiques, avec laide de l’opinion publique, ont décidé depuis longtemps de se débarrasser des derniers Mohican de la sécurité ferroviaire. Ils veulent détruire l’âme même du cheminot. Annihiler le véritable chemin de fer.
    Un temps seulement.
    Le temps que tout s’écroule.
    Le temps qu’ils engrangent suffisamment de dividendes.
    Puis ils laisseront les citoyens à leur triste sort, vider de toutes technologies positives, comme ces pauvres  » Bouseux  » des campagnes que l’on trimbale en bus et bientôt en bétaillères.

  8. Très bonne analyse, qui, de manière sous-jacente, entend aussi les conséquences de la perte de notre souveraineté en tant que Nation.
    « L’Europe sera d’autant plus intéressante qu’il y aura la dissolution des États-nations ! » Cette phrase avait été prononcée par une éminente représentante d’EELV en 2013, son vœu a été amplement exaucé.
    Quant au sort des cheminots de la SNCF, en quoi cela peut-il émouvoir les chantres de la « mondialisation heureuse » ?

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